Faire exister une archive visuelle de trente ans avec ses photographes

Une expérimentation documentaire et féministe. Invité par le GRAPh (Groupe de Recherche et d’Animation Photographique) à participer au festival Fictions documentaires, le collectif Penser l'urbain par l'image décide d'explorer les archives des ateliers photographiques menés par cette association d'éducation populaire depuis plus de 30 ans. Mais comment accéder à ce fonds d'images amateurs ? De quelle manière existe-t-il ? Comment le rendre visible ? Le mettre en partage ?

Face au regard

Se réfléchir
par l'image

Image et individu se réfléchissent dans les conditions inattendues d'un dispositif filmique. Ce face à face génère la mise en récit de soi, de sa relation à la photographie, de son rapport au monde.

Le film Re-prises

Dévoilements

A l'issue d'un temps d'entretien autour de la sélection d'une de leurs photographies, chaque photographe est conduit-e dans un studio construit pour l'occasion dans les locaux du GRAPh. Les conditions du tournage sont tenues secrètes jusqu'à l'ouverture de la porte qui annonce le début d'une séquence filmée. L'image retenue est déjà en place, projetée en grand format sur le mur blanc laissé nu. Chaque photographe équipé-e d'un micro cravate est placé-e dans le noir "face à son image", en clin d'œil à Georges Didi-Uberman. Elle est invitée à en parler. L'effet de surprise apporte les conditions d'un renouveau, c'est un autre regard qui parcourt l'image. Le tournage, réalisé en une seule prise, dure deux à trois minutes.

Au montage, l’image commentée n'est montrée qu’à la fin de chaque séquence. Nous ne nous autorisons qu'une seule coupe. Chaque personne filmée apparait dans le film, éclairée par sa propre image projetée. Chacune des photographies présentées dans le film est tirée au format A3 et accessible sur support papier-photo aux visiteurs de l'exposition.

Conditions actives

La vidéo s'est imposée comme une manière de catalyser une parole réflexive et de fixer visuellement l'émotion que suscite la confrontation à une archive personnelle. La durée de la résidence et l'impératif de l'exposition finale nous ont conduites à mettre au point un dispositif filmique précis qui intègre de façon pragmatique un temps de derushage et de montage limité. Les principes ont été décidés en amont, nous nous y tenons.

Ce dispositif filmique crée une situation documentaire intimiste et dense. Il impulse des témoignages qui dépassent à la fois la description et l'explication de l'image présentée. La réactivation soudaine des photographies engage l'énonciation de ce que l'image produit sur son photographe. Mises en condition, sans le savoir, par l'entretien préalable auquel elles ont participé, les personnes reformulent, synthétisent, poursuivent, prolongent, s'arrêtent...

La pratique photographique s'arrime à une réflexivité au cœur d'une expression de soi, comme sujet singulier et comme sujet social. La photographie devient le medium d'un récit intime, révèle des ancrages familiaux, une trajectoire sensorielle, migratoire, politique. Ré-apparaît dans la vidéo, le rôle structurant du GRAPh. Les complicités et les dynamiques collectives qui s'y ré-ajustent à une irréductible singularité expressive.

La parole se suspend dans un en-deça des catégories. L'émotion affleure sur les visages, les larmes troublent les regards, l'hésitation et les silences composent ces portraits filmiques.

De nouvelles archives sociales entrent en circulation.
La vidéo entre dans la médiathèque.


Projection et rencontres

Le GRAPh, Eric Sinatora

Face au film Re-prises